Les autres parties du monde ont eu des civilisations admirables, des
poètes du premier ordre, des constructeurs et même des savants. Mais aucune
partie du monde n'a possédé cette singulière propriété physique le plus
intense pouvoir émissif uni au plus intense pouvoir absorbant.
Tout est venu à l'Europe et tout en est venu. Ou presque tout.
Or, l'heure actuelle comporte cette question capitale l'Europe va-t-elle
garder sa prééminence dans tous les genres?
L'Europe deviendra-t-elle ce qu'elle est en réalité, c'est-à-dire : un
petit cap du continent asiatique?
Ou bien l'Europe restera-t-elle ce qu'elle paraît, c'est-à-dire : la
partie précieuse de l'univers terrestre, la perle de la sphère, le cerveau
d'un vaste corps?
Qu'on nie permette, pour faire saisir toute la rigueur de cette
alternative, de développer ici une sorte de théorème fondamental.
Considérez un planisphère. Sur ce planisphère, l'ensemble des terres
habitables. Cet ensemble se divise en régions et dans chacune de ces
régions, une certaine densité de peuple, une certaine qualité des hommes. À
chacune de ces régions correspond aussi une richesse naturelle, - un sol
plus ou moins fécond, un sous-sol plus nu moins précieux, un territoire plus
ou moins irrigué, plus ou moins facile à équiper pour les transports, etc.
Toutes ces caractéristiques permettent de classer à toute époque les
régions dont nous parlons, de telle sorte qu'à toute époque, l'état de la
terre vivante peut être défini par un système d'inégalités entre les régions
habitées de sa surface.