La première est celle de Rome. Partout où l'Empire romain a dominé, et
partout où sa puissance s'est fait sentir; et même partout où l'Empire a été
l'objet de crainte, d'admiration et d'envie; partout où le poids du glaive
romain s'est fait sentir, partout où la majesté des institutions et des
lois, où l'appareil et la dignité de la magistrature ont été reconnus,
copiés, parois même bizarrement singés, - là est quelque chose d'européen.
Rome est le modèle éternel de la puissance organisée et stable.
Je ne sais pas les raisons de ce grand triomphe, il et inutile de les
rechercher maintenant, comme il est oiseux de se demander ce que l'Europe
fût devenue si elle ne fût devenue romaine.
Mais le fait nous importe seul, le fait de l'empreinte étonnamment
durable qu'a laissée, sur tant de races et de générations, ce pouvoir
superstitieux et raisonné, ce pouvoir curieusement imprégné d'esprit
juridique, d'esprit militaire, d'esprit religieux, d'esprit formaliste, qui
a le premier imposé aux peuples conquis les bienfaits de la tolérance et de
la bonne administration.
Vint ensuite le christianisme. Vous savez comme il s'est peu à peu
répandu dans l'espace même de la conquête romaine. Si l'on excepte le
Nouveau Monde, qui n'a pas été christianisé, tant que peuplé par des
chrétiens; si l'on excepte la Russie, qui a ignoré dans sa plus grande
partie la loi romaine et L'empire pire de César, on voit que l'étendue de la
religion du Christ coïncide encore aujourd'hui presque exactement avec celle
du domaine de l'autorité impériale. Ces deux conquêtes, si différentes, ont
cependant une sorte de ressemblance entre elles, et cette ressemblance nous
importe. La politique des Romains, qui s'est faite tours plus souple et plus
ingénieuse, et de qui la souplesse et la facilité croissaient avec la
faiblesse du pouvoir central, c'est-à-dire avec la surface et
l'hétérogénéité de l'Empire, a introduit dans le système de domination des
peuples par un peuple une nouveauté très remarquable.