Pour la première fois, les relations traditionnelles entre les Etats sont
transformées. Selon les méthodes du passé, même lorsque les Etats européens
sont convaincus de la nécessité d'une action commune, même lorsqu'ils
mettent sur pied une organisation internationale, ils réservent leur pleine
souveraineté. Aussi l'organisation internationale ne peut ni décider, ni
exécuter, mais seulement adresser des recommandations aux Etats. Ces
méthodes sont incapables d'éliminer nos antagonismes nationaux qui
s'accusent inévitablement tant que les souverainetés nationales elles-mêmes
ne sont pas surmontées.
Aujourd'hui, au contraire, six Parlements ont décidé, après mûre
délibération et à des majorités massives, de créer la première Communauté
européenne qui fusionne une partie des souverainetés nationales et les
soumet à l'intérêt commun.
Dans les limites de la compétence qui lui est conférée par le Traité, la
Haute Autorité a reçu des six Etats le mandat de prendre en toute
indépendance des décisions qui deviennent immédiatement exécutoires dans
l'ensemble de leur territoire. Elle est en relations directes avec toutes
les entreprises. Elle obtient des ressources financières, non de
contributions des Etats, mais de prélèvements directement établis sur les
productions dont elle a la charge.
Elle est responsable, non devant les Etats, mais devant une Assemblée
européenne. L'Assemblée a été élue par les Parlements nationaux ; il est
déjà prévu qu'elle pourra être élue directement par les peuples. Les membres
de l'Assemblée ne sont liés par aucun mandat national ; ils votent librement
et par tête et non par nation. Chacun d'eux ne représente pas son pays, mais
la Communauté entière. L'Assemblée contrôle notre action. Elle a le pouvoir
de nous retirer sa confiance. Elle est la première Assemblée européenne
dotée de pouvoirs souverains.