Comment faire pour que l'Angleterre telle qu'elle vit, telle qu'elle
produit, telle qu'elle échange, soit incorporée au Marché Commun tel qu'il a
été conçu et tel qu'il fonctionne?
Par exemple, le moyen par lequel se nourrit le peuple de Grande-Bretagne,
c'est-à-dire en fait l'importation de denrées alimentaires achetées à bon
marché dans les deux Amériques ou dans les anciens Dominions, tout en
donnant encore des subventions considérables aux paysans anglais, ce
moyen-là est évidemment incompatible avec le système que les Six ont établi
tout naturellement pour eux-mêmes.
Le système des Six consiste à faire un tout des produits agricoles de
toute la Communauté, à fixer rigoureusement leurs prix, à interdire qu'on
les subventionne, à organiser leur consommation entre tous les participants
et à imposer à chacun de ces participants de verser à la communauté toute
économie qu'il ferait en faisant venir du dehors des aliments au lieu de
manger ceux que fournit le Marché Commun.
Encore une fois comment faire entrer l'Angleterre telle qu'elle est dans
ce système-là?
On a pu croire parfois que nos amis Anglais, en posant leur candidature
pour le Marché Commun, acceptaient de se transformer eux-mêmes au point de
s'appliquer toutes les conditions qui sont acceptées et pratiquées par les
Six; mais la question est de savoir si la Grande-Bretagne actuellement peut
se placer, avec le Continent et comme lui, à l'intérieur d'un tarif qui soit
véritablement commun, de renoncer à toute préférence à l'égard du
Commonwealth, de cesser de prétendre que son agriculture soit privilégiée et
encore de tenir pour caducs les engagements qu'elle a pris avec les pays qui
font partie de sa zone de libre échange. Cette question-là, c'est toute la
question.
On ne peut pas dire qu'elle soit actuellement résolue. Est-ce qu'elle le
sera un jour? Seule évidemment l'Angleterre peut répondre.