La question est posée d'autant plus que, à la suite de l'Angleterre,
d'autres Etats qui sont, je le répète, liés à elle dans la zone de libre
échange, pour les mêmes raisons que la Grande-Bretagne, voudraient ou
voudront entrer dans le Marché Commun.
Il faut convenir que l'entrée de la Grande-Bretagne d'abord et puis celle
de ces Etats-là changera complètement l'ensemble des ajustements, des
ententes, des compensations, des règles qui
ont été établies déjà entre les Six, parce que tous ces Etats comme
l'Angleterre ont de très importantes particularités. Alors c'est un autre
Marché Commun dont on devrait envisager la construction. Mais celui qu'on
bâtirait à onze et puis à treize et puis peut-être à dix-huit ne
ressemblerait guère sans aucun doute à celui qu'ont bâti les Six.
D'ailleurs cette communauté s'accroissant de cette façon verrait se poser
à elle tous les problèmes de ses relations économiques avec une foule
d'autres Etats et d'abord avec les Etats-Unis.
Il est à prévoir que la cohésion de tous ses membres qui seraient très
nombreux, très divers, n'y résisterait pas longtemps et qu'en définitive, il
apparaîtrait une communauté atlantique colossale sous dépendance et
direction américaines et qui aurait tôt fait d'absorber la communauté
européenne.
C'est une hypothèse qui peut parfaitement se justifier aux yeux de
certains, mais ce n'est pas du tout ce qu'a voulu faire et ce que fait la
France et qui est une construction proprement européenne.
Alors, il est possible qu'un jour l'Angleterre vienne à se transformer
elle-même suffisamment pour faire partie de la Communauté européenne, sans
restriction et sans réserve, et de préférence à quoi que ce soit, et dans ce
cas-là les Six lui ouvriraient la porte et la France n'y ferait pas
obstacle, bien qu'évidemment la simple participation de l'Angleterre à la
Communauté changerait considérablement sa nature et son volume.