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Victor Hugo, La loi du monde n'est pas et ne peut pas être distincte de la loi de Dieu
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Voyez, messieurs, dans quel aveuglement la préoccupation de la guerre jette les nations et les gouvernants; si les cent vingt-huit milliards qui ont été donnés par l'Europe depuis trente-deux ans à la guerre qui n'existait pas avaient été donnés à la paix qui existait, disons-le, et disons-le bien haut, on n'aurait rien vu en Europe de ce qu'on y voit en ce moment ; le continent, au lieu d'être un champ de bataille, serait un atelier; et, au lieu de ce spectacle douloureux et terrible, le Piémont abattu, Rome, la ville éternelle, livrée aux oscillations misérables de la politique humaine, la Hongrie et Venise qui se débattent héroïquement, la France inquiète, appauvrie et sombre, la misère, le deuil, la guerre civile, l'obscurité sur l'avenir; au lieu de ce spectacle sinistre, nous aurions sous les yeux l'espérance, la joie, la bienveillance, l'effort de tous vers le bien-être commun, et nous verrions partout se dégager de la civilisation en travail le majestueux rayonnement de la concorde universelle. (Bravo! Bravo! -Applaudissements.)
Chose digne de méditation! ce sont nos précautions contre la guerre qui ont amené les révolutions. On a tout fait, on a tout dépensé contre le péril imaginaire. On a aggravé ainsi la misère, qui était le péril réel. On s'est fortifié contre un danger chimérique, on a tourné ses 'regards du côté où n'était pas le point noir, on a vu les guerres qui ne venaient pas, et l'on n'a pas vu les révolutions qui arrivaient. (Longs applaudissements.)
Messieurs, ne désespérons pas pourtant. Au contraire, espérons plus que jamais! Ne nous laissons pas effrayer par des commotions momentanées, secousses nécessaires peut-être des grands enfantements. Ne soyons pas injustes pour les temps où nous vivons, ne voyons pas notre époque autrement qu'elle n'est. C'est une prodigieuse et admirable époque après tout, et le dix-neuvième siècle sera, disons-le hautement, la plus grande page de l'histoire. Comme je vous le rappelais tout à l'heure, tous les progrès s'y révèlent et s'y manifestent à la fois, les uns amenant les autres; chute des animosités internationales, effacement des frontières sur la carte et des préjugés dans les cœurs, tendance à l'unité, adoucissement des mœurs, élévation du niveau de l'enseignement et abaissement du niveau des pénalités, domination des langues les plus littéraires, c'est-à-dire les plus humaines; tout se meut en même temps, économie politique, science, industrie, philosophie, législation, et converge au même but, la création du bien-être et de la bienveillance, c'est-à-dire, et c'est là pour ma part le but auquel je tendrai toujours, extinction de la misère au dedans, extinction de la guerre au dehors. (Applaudissements.)
Cf. by V. Hugo: In a grand parliament of intelligence, My Revenge is Fraternity! (margin: the Enlargement of Civilization) * R. Scruton, Architecture needs a Grammar