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Proudhon, Du principe fédératif
Page 8
Le contrat politique n'acquiert toute sa dignité et sa moralité qu'à la condition 1° d'être synallagmatique et commutatif ; 2° d'être renfermé, quant à son objet, dans certaines limites : deux conditions qui sont censées exister sous le régime démocratique, mais qui, là encore, ne sont le plus souvent qu'une fiction. Peut-on dire que dans une démocratie représentative et centralisatrice, dans une monarchie constitutionnelle et censitaire, à plus forte raison dans une république communiste à la manière de Platon, le contrat politique qui lie le citoyen à l'État soit égal et réciproque ? Peut-on dire que ce contrat, qui enlève aux citoyens la moitié ou les deux tiers de leur souveraineté et le quart de leur produit, soit renfermé dans de justes bornes ? Il serait plus vrai de dire, ce que l'expérience confirme trop souvent, que le contrat, dans tous ces systèmes, est exorbitant, onéreux, puisqu'il est, pour une parte plus ou moins considérable, sans compensation ; et aléatoire, puisque l'avantage promis, déjà insuffisant, n'est pas même assuré.
Pour que le contrat politique remplisse la condition synallagmatique et commutative que suggère l'idée de démocratie ; pour que, se renfermant dans de sages limites, il reste avantageux et commode à tous, il faut que le citoyen en entrant dans l'association, 1° ait autant à recevoir de l'État qu'il lui sacrifie ; 2° qu'il conserve toute sa liberté, sa souveraineté et son initiative, moins ce qui est relatif à l'objet spécial pour lequel le contrai est formé et dont on demande la garantie à l'État. Ainsi réglé et compris, le contrat politique est ce que j'appelle une fédération.
FÉDÉRATION, du latin foedus, génitif foederis, c'est-à-dire pacte, contrat, traité, convention, alliance, etc., est une convention par laquelle un ou plusieurs chefs de famille, une ou plusieurs communes, un ou plusieurs groupes de communes ou États, s'obligent réciproquement et également les uns envers les autres pour un ou plusieurs objets particuliers, dont la charge incombe spécialement alors et exclusivement aux délégués de la fédération (1).
(1) Dans la théorie de J.-J. Rousseau, qui est celle de Robespierre et des Jacobins, le Contrat social est une fiction de légiste, imaginée pour rendre raison, autrement que par le droit divin, l'autorité paternelle ou la nécessité sociale, de la formation de l'État et des rapports entre le gouvernement et les individus. Cette théorie, empruntée aux calvinistes, était en 1764 un progrès, puisqu'elle avait pour but de ramener à une loi de raison ce qui jusque-là avait été considéré comme une appartenance de la loi de nature et de la religion. Dans le système fédératif, le contrat social est plus qu'une fiction ; c'est un pacte positif, effectif, qui a été réellement proposé, discuté, voté, adopté, et qui se modifie régulièrement à la volonté des contractants. Entre le contrat fédératif et celui de Rousseau et de 93, il y a toute la distance de la réalité à l'hypothèse.
Cf. The Briand Memorandum * Le mémorandum d'Alexis Leger * Kalergi, European Spirit must Precede Europe's Political Unification * La Construction de l'Europe selon Jean Monnet * Plan Fouchet * L'Union Européenne selon Altiero Spinelli * Mitterrand and Kohl urge European Political Union