Signe certain que notre dissolution est proche et qu'une nouvelle ère va
s'ouvrir, la confusion du langage et des idées est arrivée au point que le
premier venu peut se dire à volonté républicain, monarchiste, démocrate,
bourgeois, conservateur, partageux, libéral, et tout cela à la fois, sans
craindre que personne le convainque de mensonge ni d'erreur. Les princes et
les barons du premier Empire avaient fait leurs preuves de sansculottisnte.
La bourgeoisie de 1814, gorgée de biens nationaux, la seule chose qu'elle
eût comprise des institutions de 89, était libérale, révolutionnaire même ;
1830 la refit conservatrice ; 1848 fa rendue réactionnaire, catholique, et
plus que jamais monarchique. Actuellement ce sont les républicains de
février qui servent la royauté de Victor-Emmanuel, pendant que les
socialistes de juin se déclarent unitaires. D'anciens amis de Ledru-Rollin
se rallient à l'Empire compte à la véritable expression révolutionnaire et à
la forme la plus paternelle de gouvernement ; d'autres il est vrai les
traitent de vendus, mais se déchaînent avec fureur contre le fédéralisme.
C'est le gâchis systématique, la confusion organisée, l'apostasie en
permanence, la trahison universelle.
Il s'agit de savoir si la société peut arriver à quelque chose de
régulier, d'équitable et de fixe, qui satisfasse la raison et la conscience,
ou si nous sommes condamnés pour l'éternité à cette roue d'Ixion. Le
problème est-il insoluble ?... Encore un peu de patience, lecteur ; et si je
ne vous fais tout à l'heure sortir de l'imbroglio, vous aurez le droit de
dire que la logique est fausse, le progrès un leurre, et la liberté une
utopie. Daignez seulement raisonner avec moi encore quelques minutes, bien
qu'en pareille affaire raisonner soit s'exposer à se duper soi-même et à
perdre sa peine avec sa raison.