Et ce jour-là, il ne faudra pas quatre cents ans pour l'amener, car nous
vivons dans un temps rapide, nous vivons dans le courant d'événements et
d'idées le plus impétueux qui ait encore entraîné les peuples, et, à
l'époque où nous sommes, une année fait parfois l'ouvrage d'un siècle.
Et français, anglais, belges, allemands, russes, slaves, européens,
américains, qu'avons-nous à faire pour arriver le plus tôt possible à ce
grand jour? Nous aimer. (Immenses applaudissements.)
Nous aimer! Dans cette œuvre immense de la pacification, c'est la
meilleure manière d'aider Dieu!
Car Dieu le veut, ce but sublime! Et voyez, pour y atteindre, ce qu'il
fait de toutes parts! Voyez que de découvertes il fait sortir du génie
humain, qui toutes vont à ce but, la paix! Que de progrès, que de
simplifications! Comme la nature se laisse de plus en plus dompter par
l'homme! comme la matière devient de plus en plus l'esclave de
l'intelligence et la servante de la civilisation! comme les causes de guerre
s'évanouissent avec les causes de souffrance! comme les peuples lointains se
touchent! comme les distances se rapprochent! Et le rapprochement, c'est le
commencement de la fraternité.
Grâce ce aux chemins de fer, l'Europe bientôt ne sera pas plus grande que
ne l'était la France au moyen âge! Grâce aux navires à vapeur, on traverse
aujourd'hui l'Océan plus aisément qu'on ne traversait autrefois la
Méditerranée! Avant peu, l'homme parcourra la terre comme les dieux d'Homère
parcouraient le ciel, en trois pas. Encore quelques années, et le fil
électrique de la concorde entourera le globe et étreindra le monde. (Applaudissements.)
Ici, messieurs, quand j'approfondis ce vaste ensemble, ce vaste concours
d'efforts et d'événements, tous marqués du doigt de Dieu; quand je songe à
ce but magnifique, le bien-être des hommes, la paix; quand je considère ce
que la providence fait pour et ce que la politique fait contre, une
réflexion douloureuse s'offre à mon esprit.